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Joseph Bernard DELILIA Député du Tiers – Etat ( 1789-1791)

JOSEPH BERNARD DELILIA DE CROSE

Député du Tiers – Etat ( 1789-1791)

par Raymond Burgod
Nous tenons à rendre hommage à Madame Blanche DOMINJON, récemment disparue, qui, entre autres, a réalisé une étude sur ce député de MONTREAL, et nous remercions sa famille d’avoir bien voulu nous autoriser à nous inspirer de ses intéressants travaux de recherche , et d’en faire ainsi profiter les internautes.

Définition du tiers-état : nom donné en France en 1789 au troisième ordre de la nation, qui comprenait tous ceux qui n’étaient ni nobles, ni prêtres.

 

Né à MONTREAL le 6 septembre 1739, Joseph Bernard DELILIA, était la première famille de MONTREAL après celle du seigneur.
Les DELILIA existaient déjà en 1303.
Aussi, J.B. DELILIA, sans être ni comte, ni noble d’épée, se croyait d’aussi bonne lignée que les DOUGLAS, qui alors signaient « DUGLAS ».

JOSEPH BERNARD DELILIA a 50 ans lorsqu’éclate la Révolution Française. C’est un notable, dont la famille tient le haut du pavé depuis plusieurs siècles, à une centaine de mètres de l’Eglise dont le prêtre est l’Abbé MERMET.
Le notable et le prêtre se retrouveront le 10 mars 1789 à Nantua pour élire les délégués du Haut-Bugey à l’assemblée de Bailliage qui se réunira à BELLEY le 17 mars.

Le 25 mars, son brillant confrère BRILLAT-SAVARIN est élu député du Tiers Etat.
Le surlendemain, DELILIA fut également élu.
Pourquoi DELILIA , avocat d’un petit village de 300 habitants, obtient-il la faveur des électeurs, face à des adversaires venant de villes plus importantes, telle que : AMBERIEU- ST RAMBERT-LAGNIEU-PONCIN-ST JEAN LE VIEU et surtout NANTUA (3000 hab) ?

Il convient d’insister sur le fait que DELILIA arrivait aux Etats du bailliage, précédé d’une réputation de réformateur décidé et audacieux.
Sa lutte contre le comte de DOUGLAS , sa participation à la rédaction du cahier de doléances de sa commune, un des plus violents et précis de la province, ont joué en sa faveur.

(voir en fin d’article le cahier de doléances et remontrance de la communauté de MONTREAL, dont nous vous recommandons la lecture).

DELILIA ne décevra pas ses électeurs.
A PARIS, il remplit consciencieusement sa mission, il écrit souvent aux  » Messieurs de NANTUA  » .
Ses opinions futures donnent à penser qu’il a fréquenté le club des Jacobins.

RETOUR AU VILLAGE – MAIRE DE MONTREAL du 14.11.1791 AU 26.11.1792

L’Assemblée Constituante termine ses travaux en septembre 1791.
Ses membres n’ont pas le droit d’être élus à l’Assemblée Législative.
J.B. DELILIA rentre chez lui et réunit ses concitoyens pour procèder à des élections municipales.
L’élection se déroule dans l’église de MONTREAL et J.B. DELILIA est élu Maire le 14 novembre 1791.
Avec beaucoup de combativité, il cherche à résoudre les problèmes de sa commune :
– Il met fin au pillage de la forêt communale, nomme des gardes
– Il fait amodier le four banal
– Il fait nettoyer le bourg à moitié obstrué par des dépôts de bois
– Il s’occupe des adductions d’eau pour les fontaines
– Il poursuit le comte de DOUGLAS en Justice parce qu’il avait, 4 ans auparavant, enlevé un banc de la place de l’église et le fait condamner à le remettre.

DELILIA est bientôt appelé à présider les assemblées cantonales, MONTREAL étant devenu chef lieu de canton.
Mais au bout de trois mois, le 26 novembre 1792, alors que les communes sont réunies pour élire le juge de Paix :
le citoyen DELILIA, Président, ayant observé que demain soir, il était obligé de se rendre à NANTUA, pour remplir les fonctions de Procureur-Syndic, il fallait nommer un autre président.
DELILIA poursuit donc sa carrière politique locale : après avoir dirigé sa commune, puis son canton, le voilà à la tête du district de NANTUA.

Les aléas d’une fonction locale – Procureur syndic puis agent national du district de Nantua

DELILIA garde la direction du district de NANTUA de NOVEMBRE 1792 au 25 AVRIL 1795.
De grandes difficultés l’attendent : pénurie des denrées alimentaires, refus de conscription pour les jeunes appelés.
Le Haut-Bugey produit peu de blé, et les convois de ravitaillement sont souvent attaqués et détournés.
Dans le même temps, il faut lever des troupes pour faire face à la guerre étrangère.
Les garçons convoqués résistent.
DELILIA menace, mais la vie quotidienne devient de plus en plus difficile, les esprits s’échauffent, on voit des suspects de partout.
DELILIA, lui-même en est victime.
En avril 1793, il est arrêté et conduit à LYON.
Une lettre interceptée laissait supposer que DELILIA pouvait se réjouir des défaites de l’armée française.
On perquisitionne chez lui à MONTREAL le 2 juin 1793, on ne trouve rien de compromettant.
Il fut lavé de tout soupçon, et une fête pour célébrer son retour de LYON fut organisée à NANTUA le 5 juin 1793.
Mais l’autorité et le zèle révolutionnaire de DELILIA incitent le représentant du peuple GOULY à décréter :
« Au nom du Peuple Français……, le citoyen DELILIA, agent national, président du district de NANTUA, est destitué.
Il sera remplacé par le citoyen GUICHON , membre du Directoire de l’AIN…. »

En effet, DELILIA n’est-il pas allé trop loin ? Quelques jours avant le passage de GOULY , le 4 Nivose AN II, jour de Noël, il avait obligé M. CHAPPE, propriétaire du Château de BRION à démolir entièrement sa maison, qui n’avait aucun aspect féodal, ni tour, ni fossé, mais était située fièrement sur une butte à 50 mètres au-dessus du village. Il trouvait qu’elle rappelait trop la puissance des seigneurs d’autrefois.
Mais le lendemain même de la destitution de DELILIA, GOULY était rappelé à Paris, et remplacé par un autre conventionnel : ALBITTE , qui réintègre DELILIA dans ses fonctions.

Ainsi réintégré, DELILIA , plein d’ardeur, demande le 6 avril 1794 au Conseil de District, de nommer des commissaires pour se rendre compte sur le champ, dans toutes les Communes pour vérifier si les arrêtés d’ALBITTE, relatifs à la démolition des clochers, des Châteaux-forts et à l’envoi à la fonte des cloches, sont exécutés.

Mais à Paris, tout va vite.
CHUTE DE ROBESPIERRE et fin de la terreur.
BOISSET, envoyé par la convention, ouvre les prisons, procède à l’épuration des terroristes et met fin à la mission de DELILIA.

La carrière politique de DELILIA est terminée.

DELILIA revient définitivement dans son village natal et on n’entendra plus parler de lui.

LA REVOLUTION EST FINIE. LA REPUBLIQUE AGONISE, BONAPARTE est proclamé empereur.

DELILIA meurt le 16 août 1804 ; farouchement attaché jusqu’à sa mort à ses convictions républicaines et anti-religieuses, il donne ses biens à sa petite nièce Esther DELILIA, né en 1799, sous condition qu’elle ne soit pas baptisée.
Elle se fera baptiser tout de même.

Mais lui, DELILIA, continuera après sa mort à témoigner de son attachement à la Révolution :
Il est enterré au son du tambour et de la Marseillaise, dans sa propriété , en Crose, hors de la terre bénie du cimetière.

Il avait soixante cinq ans.
Son imposant mausolée existe toujours.

 

CAHIER DES DOLEANCES ET REMONTRANCE DE LA COMMUNAUTE DE MONTREAL

Les habitants de MONTREAL se plaignent :
1°- Du prix exorbitant du sel.
Ils attribuent les maladies dont ils sont affligés à la petite consommation qu’ils sont forçés d’en faire.
Ils ont très souvent des maladies épidermiques sur leurs bestiaux, occasionnées par défaut de sel dont ils ne sont pas en état de se fournir la quantité nécessaire.
2°- Ils sont écrasés par la corvée des chemins.
Depuis 36 ans, ils travaillent à une levée sur la route de Saint Claude sans avoir pu faire la moitié.
3°- Ils se plaignent avec juste raison de l’énormité des impôts et de l’inégale répartition qui en est faite, ceux qui en son chargés ne remplissent aucun des devoirs de leur office.
Les élus ne font point les tournées qu’ils sont obligés de faire dans chaque paroisse.
Ils soulagent les communautés dont ils sont membres et celles qui les avoisinent, par conséquent surchargent les autres.
Tout est fait à l’arbitraire par les élus et le commissaire départi.
Ils exemptent de la taille les personnes qu’ils veulent favoriser sans qu’elles aient aucune espèce de privilège.
Cette taille est répartie sur le pauvre.
La paroisse de MONTREAL est d’autant plus surchargée d’impôt que les privilégiés possèdent la plus grande partie de leur territoire.
4°- Les habitants de MONTREAL se plaignent aussi de la mauvaise administration de leurs biens patrimoniaux…………………………………
………………………………………… Il s’ensuit de cette énormité d’abus que les habitants ne font que présenter, pouvant en citer bien d’autres, qu’ils sont opprimés tant par la quantité d’impôts dont la répartition est faite inégalement, par la mauvaise administration de leurs biens patrimoniaux, que par les amendes
souvent arbitraires pour les minces délits.
Ils chargent leurs députés de donner à l’Assemblée Générale à BELLEY, le cahier qui sera porté aux ETATS GENERAUX.
Ils espèrent obtenir de la bonté et bienfaisance de SA MAJESTE, l’abolition entière des maux qu’ils éprouvent.
En conséquence, ils demandent :

1°- La suppression de la gabelle
2)- La suppression de la corvée pour les chemins
3°- Le rachat de toute servitude personnelle ou réelle
4°- L’égalité de tous les impôts et charges sur les trois ordres
5°- La répartition de toutes impositions faites également suivant la fortune de chaque individu
6°- L’exécution des édits, déclarations et ordonnances de SA MAJESTE, enregistrés au parlement de Dijon le 10 mars 1788 et surtout l’article qui permet aux parties, soit en demandant, soit en défendant, de porter leur instance devant le juge royal.
7°- Une Cour Supérieure à Bourg en bresse, dont la province du Bugey ressortira.
8°- Un bailliage à Nantua
9°- Des Etats provinciaux comme ceux du Dauphiné
10°- Le nombre de représentants du tiers état égal à celui des deux premiers ordres.
Les représentants seront pris dans chaque district, les districts composés également suivant l’étendue, la population et les charges imposées.
11°- Que les Etats provinciaux pourront autoriser les communautés à faire des règlements pour la régie et administration de leurs biens, lequel règlement après l’approbation des états provinciaux sera exécuté.
12°- Que les Etats provinciaux auront le pouvoir d’obliger les communautés à mettre un ordre dans leur régie quand même elles ne demanderaient pas un règlement.
13°- Que chaque communauté nommera parmi ses membres résidents et domiciliés, deux procureurs spéciaux ou conseillers qui régiront les affaires de la communauté avec les syndics qui seront en correspondance avec les états provinciaux.
14°- Que ces procureurs ou conseillers seront nommés par la commission assemblée à la pluralité des voix : que le seigneur, le curé et le fermier de la terre ne pourront point être nommés ni donner leur voix, qu’ils ne pourront rester en place plus de deux ans après lequel temps, il sera nommé d’autres, après deux ans révolus, ils pourront être élus de nouveau.
15°- Que ces procureurs spéciaux rendont compte de leur gestion à la fin de leur exercice, c’est-à-dire au bout de deux ans.
La communauté assemblée pourra contredire le compte ou nommer des commissaires, qui seront au moins six pour fournir la contredite.
Ensuite, ledit compte sera présenté aux états provinciaux et à la commission intermédiaire qui en fera l’arrêté définitif et délivrera exécutoire.
16°- Les habitants demandent la révocation de l’édit des clôtures comme ne leur étant pas avantageux.

Signé : DELILIA – MACON PAUL etc…

Ce cahier de doléances, rédigé par notre révolutionnaire, est considéré comme un des plus violents et précis de la Province.
Sans fioritures ni salutations aux autorités, il y décrit avec précision l’injustice des impôts, l’arbitraire et le favoritisme de ceux chargés de les percevoir, et propose les moyens de supprimer ces privilèges.
Tout laisse présager, chez cet homme politique, une autorité marquée et un zèle révolutionnaire.

N.B. : De nos jours une rue de MONTREAL porte le nom de J-B- DELILIA.
Elle est perpendiculaire à l’Avenue Prosper de DOUGLAS.